Cessons les tergiversations et les renoncements : rejoignons nos voisins européens en donnant des moyens à la transition des transports ! Ma position dans cet article de Public Sénat, reproduit ci-après.
Ce lundi, plusieurs mobilisations de routiers ont eu lieu sur les routes alsaciennes dans l’objectif de contester la taxe poids lourd que la collectivité européenne d’Alsace souhaite mettre en place d’ici 2027. Pour les sénateurs Jacques Fernique et André Reichardt, elle est indispensable face aux contributions similaires mises en œuvre dans les pays frontaliers, notamment en Allemagne.
L’idée d’une taxe sur les poids lourds en Alsace n’est pas nouvelle. En décembre 2005, le député UMP Yves Bur avait, en accord avec la région, fait adopter un amendement visant à créer une taxe sur les poids lourds de plus de 12 tonnes. Pourquoi cette mesure n’a pas été mise en place ? Jacques Fernique, sénateur écologiste du Bas-Rhin, conseiller régional d’Alsace à cette époque, se souvient : « Il y a eu une mauvaise volonté du ministère des Transports. Cela a tellement traîné que cette taxe s’est retrouvée en concurrence avec la fameuse taxe poids lourd imaginée par le Grenelle de l’environnement en 2007, votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, et à laquelle Ségolène Royal a renoncé en 2014 ». Une réforme abandonnée en France, mais pas en Allemagne. La « LKW-Maut », a été introduite au 1er janvier 2005 pour les véhicules de 12,5 tonnes. Depuis juillet 2024, cela concerne à présent les véhicules de plus de 3,5 tonnes.
Une contribution allemande qui justifie une taxation des poids lourds sur les routes d’Alsace afin d’harmoniser les flux routiers entre les deux pays. Pour éviter les droits de péage allemands, les poids lourds ont tendance à faire des détours par l’Alsace. C’est ce qu’explique André Reichardt, sénateur Les Républicains du Bas-Rhin : « Elle est attendue depuis tellement longtemps […], cette taxe est indispensable pour rééquilibrer les flux de part et d’autre du Rhin, car ce qui est gratuit d’un côté est naturellement prisé par rapport à ce qui payant de l’autre ». Mais pour lui, c’est également un objectif environnemental qui explique la mise en œuvre d’une taxe poids lourd : « Naturellement, il y a une véritable exigence sur le plan écologique, il est anormal que l’Alsace accepte les difficultés sur le plan écologique liées au passage des poids lourds, que les Allemands ne veulent plus ». Un souci de décarbonation que partage Jacques Fernique. Toujours à la lumière de ce qu’il s’est passé en Allemagne, le sénateur écologiste souligne que l’installation de la contribution allemande a permis de faire disparaître « le gâchis routier », la circulation de camions presque vide.
Une taxe qui fait l’objet d’une opposition des routiers
Le projet de taxe poids lourd que la Collectivité européenne d’Alsace souhaite adopter d’ici à 2027 provoque la colère des routiers. Ce matin, une opération « escargot » composée de deux convois, l’un partant de Mulhouse et l’autre de Strasbourg, a été menée sur des routes d’Alsace. Les deux manifestations se sont retrouvées dans l’après-midi à Colmar. Face à aux protestions, André Reichardt signale que cette taxe s’applique particulièrement aux transporteurs en transit. Un propos que tenait déjà sur notre antenne le 26 septembre, Franck Leroy, président de la région Grand-Est, qui considérait que cette contribution serait payée « à 80 % par les poids lourds étrangers ». Le sénateur « comprend que les transporteurs alsaciens qui ne sont pas en transit s’inquiètent pour la pérennité économique de leur entreprise » mais affirme « faire confiance à la collectivité européenne d’Alsace pour trouver les voies de sortie ».
Le Collectif pour la compétitivité de l’économie conteste aussi la mise en place de cette taxe, estimant que cela impacterait l’ensemble des filières économiques d’Alsace. Mais pour Jacques Fernique, un tel argument ne tient pas la route : « Personne n’est jamais prêt à prendre en compte une nouvelle taxe […], quand on voit ce qu’il s’est passé en Allemagne, au Luxembourg, on n’a pas remarqué que cela avait des incidences » sur les filières économiques.
La collectivité européenne d’Alsace doit se prononcer le 21 octobre sur cette taxe poids lourd. Pour le sénateur écologiste, « pour que ce projet réussisse il faut de la volonté politique et de l’intelligence à travailler ensemble. La collectivité européenne d’Alsace est en première ligne, il ne faut pas qu’elle renonce, il faut qu’elle travaille avec la région ».
Article de Camille Gasnier publié le 7/10/2024 sur le site de Public Sénat