Intervention de Jacques Fernique dans le débat sur la gestion des déchets en Outre-Mer

Monsieur le Président, Monsieur le ministre, mes chers collègues,

 

Merci à la Délégation aux Outre Mers, à Gisèle Jourda et à Viviane Malet pour leur considérable travail, leurs très riches auditions et leurs recommandations qui nourrissent notre débat d’aujourd’hui. De m’y être plongé m’a convaincu que la problématique des déchets Outre Mer est bien moins une particularité exotique, une affaire de retard, qu’une mise à l’épreuve en conditions compliquées et disparates de notre politique publique globale, un révélateur des carences, des dérives mais aussi des innovations prometteuses qui interpellent notre responsabilité politique et qui peuvent nous amener à des adaptations et des avancées dont le bénéfice pourrait profiter autant aux Outre Mers qu’à nos territoires de métropole. Aux Outre Mers, les difficultés, les freins jouent sans doute plus qu’ailleurs, les coûts sont structurellement plus élevés, reste que comme partout ailleurs l’équation est du même ordre : que chacune des 3 parties (producteurs, consommateurs, pouvoirs publics) assume pleinement ses responsabilités. Responsabilité des producteurs quant aux impacts et à la fin de vie de leurs produits (or le système des REP est extrêmement peu contraignant, les éco-organismes ne sont pas tenus à des objectifs par territoires : pour les Outre Mers c’est encore plus handicapant qu’ailleurs). La responsabilité des consommateurs pour des usages et des comportements vertueux (rendus d’autant plus indispensables par les difficultés de collecte, la part des apports volontaires, les contraintes de l’insularité et de la surexposition aux risques naturels). La responsabilité enfin des acteurs publics (collectivités, État, Europe, législateurs) pour que les normes, les règles, les cahiers des charges, les moyens d’investir et de fonctionner durablement, les contrôles, les sanctions et l’accompagnement soient à la hauteur des enjeux, des contraintes spécifiques et des trajectoires fixées. 

Dengue, paludisme, saturnisme, hépatite A. Ces maladies prolifèrent dans de nombreuses régions d’Outre-mer parce qu’une partie des déchets se retrouve dans des décharges, ou tout simplement comme dépôts sauvages, comme épaves de véhicules dans la nature. Les Outre-mers abritent 80% de la biodiversité française. Lorsqu’une mangrove, un lagon, une forêt ou un cours d’eau se transforme en dépotoir, c’est un désastre écologique, sanitaire, et social. La France est ambitieuse pour un traité international sur la pollution plastique, cette ambition nécessite une application concrète dans nos Outre Mers impactés.

 

Parmi les recommandations du Rapport de la Délégation aux Outre Mers, je retiens 2 idées-forces.

D’abord, la nécessité de hausser l’exigence de notre système de Responsabilité Élargie des Producteurs. L’éco-organisme, mandataire du metteur sur le marché, doit être tenu par un objectif territorial. Pourquoi sinon ferait-il des efforts en Guadeloupe ou en Guyane si cela lui coûte plus cher qu’en métropole et qu’il ne risque pas de sanction s’il n’atteint pas de résultats dans ces territoires où collecter et recycler est bien plus cher qu’à Strasbourg, à Paris ou à Lyon ? Il s’agit donc d’habiliter les Outre-Mers à intervenir dans les Cahiers des Charges, à adopter leurs propres normes de mise sur le marché, de consigne et de réemploi. Pour que nos Outre Mers aient un levier d’action déterminant, il faudra abaisser de 200 à 1 tonne le seuil à partir duquel le coût de nettoiement d’un dépôt sauvage est pris en charge par les éco-organismes.

Deuxième idée-force de cette série de recommandations : Fournir à nos Outre Mers les moyens de répondre au niveau nettement plus élevé des coûts pour leurs déchets. Qu’on s’entende bien, il ne s’agit pas là de mauvaise gestion publique mais de spécificités qui font qu’en Outre Mer c’est largement sur les contribuables, sur l’ensemble de la population que pèse le coût du traitement des déchets issus d’activités économiques ou que par exemple comme le dit l’association Amorce “on ne monte pas un centre de tri Outre-Mer aussi aisément qu’on le fait en région parisienne”. Il apparaît évident que des plans de rattrapage exceptionnels s’imposent. L’État doit mettre sur la table des moyens financiers, particulièrement en faveur des territoires de Mayotte et de la Guyane. 250 millions d’euros sur 5 ans au minimum, permettant aux collectivités de mettre sur pied les infrastructures prioritaires, les équipements structurants. Donner les moyens, c’est aussi remédier aux effets plombants de la TGAP dont les paramètres sont déterminés pour la métropole afin notamment d’éviter qu’il revienne moins cher de mettre des déchets en décharge que de les recycler. Ce bon principe devient contre-productif en Outre-Mer où l’enfouissement a une telle part que la TGAP fonctionne comme un frein, plutôt qu’une incitation à agir, car elle prive des moyens de financer l’indispensable rattrapage. La recommandation 12 d’exonération de TGAP adaptée pour les différents territoires d’Outre-Mers est donc capitale. De même pour l’aide au fret, pour lever les entraves à la mutualisation et la massification des flux de déchets à traiter entre territoires proches. Enfin, la recommandation 23, largement développée dans le projet de résolution européenne de nos collègues vise opportunément à rendre plus accessibles, plus adaptées aux Outre Mers le règlement, les dispositifs et les aides européennes.

Pour conclure, si tout ce débat, toutes ces attentes, ces propositions, ce rapport de la Délégation, cette résolution européenne, en restaient là, qu’elles ne se traduisaient pas en actions concrètes ce serait une immense déception. Je parlais à l’instant de la responsabilité des acteurs publics : Madame la Ministre, celle de votre gouvernement est particulièrement attendue !

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