Tribune – « En pleine crise de l’énergie, il est temps de déclarer l’état d’urgence ferroviaire »

La signature « en catimini » du nouveau contrat de performance de SNCF Réseau est une occasion manquée qui empêche, de fait, une amélioration du réseau ferroviaire, regrettent, dans une tribune au « Monde », les sénateurs Jacques Fernique (EELV), Olivier Jacquin (PS) et Gérard Lahellec (PCF).

Emmanuel Macron s’est opportunément converti à l’écologie dans l’entre-deux-tours de la présidentielle, parlant de « planification » et annonçant vouloir réinvestir dans le ferroviaire, mais le naturel est vite revenu au galop : absence de ministre des transports pendant un mois, rétrogradation du ministère de l’écologie dans l’ordre protocolaire, propos approximatifs sur les seules petites lignes dans la déclaration de politique générale de la première ministre pourtant spécialiste des transports…

Cela s’est également illustré par la signature en catimini du nouveau contrat de performance de SNCF Réseau alors qu’il avait réussi l’exploit de faire l’unanimité de tous les acteurs concernés contre lui lors de sa présentationau mois de mars avec deux ans de retard ! L’autorité de régulation des transports a même qualifié ce document, qui détermine les investissements sur l’ensemble du réseau ferroviaire pour la décennie à venir, d’« occasion manquée » tant il maintient la tête de la SNCF sous l’eau financièrement, empêchant de fait une amélioration de l’état du réseau. Dans ces conditions, il sera impossible de doubler la part du train dans les années 2030 comme le souhaite le PDG de la SNCF, et donc d’atteindre nos objectifs climatiques !

Alors que la politique ferroviaire doit être menée sur du long terme et sans à-coup, le gouvernement a opéré ces derniers mois un double tête-à-queue, nouvelle déclinaison du « en même temps » ?

Rééquilibrer la compétitivité du rail

Un premier à l’été 2021 lorsque Emmanuel Macron a remis en cause la priorité aux transports du quotidien en annonçant la construction de trois nouvelles LGV. Si elles peuvent présenter des intérêts localement, ces lignes restent non financées et viennent déséquilibrer une programmation des infrastructures déjà insuffisante. Pire, elles ne sont même pas traduites dans le nouveau contrat de performance !

Le second tête-à-queue vient de latrès forte augmentation prévue des prix des péages ferroviaires – de 30 % selon nos calculs à partir des données du document cadre –, alors qu’ils sont déjà les plus chers d’Europe, empêchant de fait de rééquilibrer la compétitivité du rail face à la route. Dès lors, comment le gouvernement compte-t-il relancer le ferroviaire s’il le rend plus cher pour l’ensemble de ses usagers ?

Parce que ce combat est le nôtre depuis des années, nous continuons de défendre une politique ferroviaire alternative, à même de générer une baisse tendancielle du coût du service public, d’assurer un maillage équilibré du territoire et de répondre à l’urgence écologique.

Il est urgent de donner un vrai modèle économique au rail, pour les voyageurs comme pour le fret. Le gouvernement n’a pas assez profité du « quoi qu’il en coûte » et des plans de relance pour le faire. En ce temps de crise de l’énergie, réaffirmons que le fer est plus résilient que l’aérien et la route en reconnaissant leurs externalités négatives.

Régénération et modernisation

Malgré la reprise de 35 milliards d’euros de dette de SNCF Réseau et les fonds de relance vers le fret et les trains de nuit, nous savons qu’il manque au moins un milliard d’euros par an au gestionnaire d’infrastructure pour envisager un maillage équilibré du territoire et offrir une alternative de mobilité à nos concitoyens. Donnons-le-lui !

Nous savons que notre réseau vieillit : 29 ans en moyenne contre 17 en Allemagne. Accélérons sa régénération et sa modernisation pour augmenter la sécurité et les fréquences sur les sillons, avec une vraie stratégie qui n’est aujourd’hui pas proposée.

Nous savons que plusieurs régions sont volontaires pour rénover à leurs frais les « petites lignes ». L’Etat doit les accompagner.

Nous savons que la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre passera d’abord par le report modal, et notamment des marchandises de la route vers le rail. Affirmons le principe « pollueur-payeur » et mettons véritablement les moyens financiers et techniques pour atteindre le doublement de la part du fret.

Il est temps de déclarer l’état d’urgence ferroviaire. Ce contrat de performance de SNCF Réseau est la dernière brique de l’équilibre instable de la politique ferroviaire, et plus largement des transports, du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. C’est pourtant la première pierre à poser pour se remettre dans la trajectoire carbone que la France et l’Union européenne se sont fixée : − 55 % en 2030. Il ne peut pas être un simple « contrat d’assainissement financier ». Il faut le réviser sans attendre !

Jacques Fernique (Sénateur EELV du Bas-Rhin), Olivier Jacquin (Sénateur PS de Meurthe-et-Moselle) et Gérard Lahellec (Sénateur PCF des Côtes-d’Armor)

La tribune à retrouver sur Le Monde

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