Tribune – Taxe poids lourds : quinze ans de renoncement, ça suffit !

Avec Alain Jund, vice-président de l’Eurométropole en charge des mobilités, et Loïc Minery, vice-président de Mulhouse Alsace Agglomération, j’ai signé une tribune adressée aux Dernières Nouvelles d’Alsace, exprimant l’urgence de la mise en place d’une taxe poids lourds en Alsace.

« Pour le transport de marchandises, rien ne sera plus comme avant : il va se transformer profondément, d’abord du fait de l’obligation d’agir contre le changement climatique. Le secteur des transports reste en effet celui qui n’a fait en France aucun progrès notable : en 1990, il émettait 124 millions de tonnes de CO2 ; il en émet 135 aujourd’hui. Les orientations européennes, qui visent la neutralité carbone en 2050 en passant par une baisse de 55 % des émissions en 2030 (sur la base de 1990), programment des interdictions progressives des camions les plus polluants jusqu’à la fin des motorisations thermiques. Le Parlement, le Conseil et la Commission travaillent actuellement sur une harmonisation des taxes et vignettes sur les poids lourds pour une Euro-redevance généralisée.

L’agglomération de Strasbourg et toute la dorsale routière d’Alsace doivent être en première ligne de cette mutation des transports. Cela s’impose sur notre rive du bassin rhénan où le laisser-aller et l’inaction politique ont amplifié les dégâts depuis 20 ans.

Le principe « pollueur-payeur »

Le contraste est accablant avec l’autre rive. Nos voisins suisses et allemands ont su, avec leur RPLP et leur LKW-Maut, actionner le principe « pollueur-payeur » permettant de maîtriser le flux de poids lourds, d’optimiser les charges transportées, de réduire les nuisances et d’assurer un fret ferroviaire significatif. Leur logistique s’est modernisée, sa performance économique s’est améliorée. Les résultats avérés de ces politiques en font des pionnières dont l’Europe s’inspire. Le fret ferroviaire allemand est 4 fois plus important que le nôtre.

Depuis 30 ans, notre pays a, lui, régressé : le fret ferroviaire s’est effondré de moitié tandis que le fret routier a été multiplié par 2,5 et celui sous pavillon étranger par 10 (avec le cabotage souvent illégal des camions et utilitaires des pays de l’Est).

Depuis 15 ans, l’Alsace subit l’inévitable report de trafic évitant la taxe allemande : chaque jour, plus de 16 500 camions traversent Strasbourg. Dès 2005, l’amendement « Bur » ripostait par une taxe expérimentale que l’inaction politique enterrera. Le Grenelle de l’Environnement engendrait à l’unanimité en 2012 une éco-taxe et ses portiques : Ségolène Royal annulera sa mise en œuvre face aux bonnets rouges, privant notre pays de 4 milliards de recettes escomptées chaque année.

Libre à certains de se réjouir de ces renoncements en ressassant leurs formules contre « l’écologie punitive ». En attendant, ceux qui sont punis, ce sont les morts prématurés de la pollution, ce sont les transporteurs qui n’ont pas d’alternative ferroviaire sérieuse, qui n’auront pas les aides pour décarboner à temps leurs flottes, les investissements pour que soit organisée une logistique urbaine durable au moment où la Zone à faibles émissions va se mettre progressivement en place à Strasbourg, puis à Mulhouse selon la future loi Climat.

Décarboner les transports

Il est donc plus que jamais temps d’agir pour décarboner les transports de marchandises en Alsace et à Strasbourg. La loi d’août 2019 prévoit l’instauration d’une contribution poids lourds par la nouvelle Collectivité européenne d’Alsace : le gouvernement avait 18 mois pour écrire l’ordonnance qui la mettra en œuvre. Certes, la pandémie a tout ralenti ; certes, nos voisins lorrains voudraient à raison profiter d’un élargissement du périmètre ; mais l’urgence à agir demeure. La loi Climat en cours d’élaboration prévoit la possibilité pour les régions volontaires de mettre en place une telle contribution assise sur le transport routier de marchandises. Le Grand Est, qui a presque la taille d’un pays européen, pourrait donc généraliser à terme le dispositif de contribution poids lourds qu’il nous faut sans tarder pour l’Alsace. Quinze ans de renoncement : ça suffit ! »

Image : © Maxppp

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