Le rail, solution sociale et environnementale : colloque au Palais du Luxembourg

Jacques Fernique a organisé le vendredi 3 juin 2022, avec le concours de la Commission Transports d’Europe Ecologie – Les Verts, un colloque au Palais du Luxembourg intitulé : « le rail, solution sociale et environnementale ». Cet évènement visait à identifier les priorités et les moyens d’une politique ferroviaire engageant la trajectoire passant par un doublement de part modale d’ici à 2030.

La trajectoire de réduction des émissions de carbone que la France et l’Union européenne se sont fixées, de -55 % d’ici à 2030, doit passer par une refonte totale de la politique ferroviaire en France. Tandis que les transports représentent 31 % des émissions de gaz à effet de serre de notre pays, c’est toujours la route qui domine très largement avec 85 % de part modale, alors que le train qui ne représente que 0,3 % des émissions stagne à 10 % de part modale. Le rail est donc potentiellement un des leviers majeurs de décarbonation de nos mobilités. Pour Karima Delli, Présidente de la commission Transports au Parlement européen : « nous sommes la première génération à subir les effets du changement climatique, mais également la dernière à pouvoir tenter d’inverser la tendance. Et face à ce désastre qui se présente, le transport a une place centrale. » Mais comment parvenir à véritablement relancer le train en France ?

Réunissant de nombreux acteurs du ferroviaire, ce colloque s’est articulé autour de trois tables rondes qui ont permis d’aborder les enjeux essentiels liés à la refonte du système ferroviaire :

  • Améliorer les services aux usagers pour assurer le doublement de part modale ;
  • Maximiser l’efficacité des infrastructures tout en limitant leur impact environnemental ;
  • Décarboner le transport de marchandises en assurant un report vers le fret ferroviaire.

 

Alors que le quinquennat qui démarre est un moment charnière pour redonner toute sa place au ferroviaire, les signaux récemment envoyés par l’Etat sont alarmants : aucun ministre des Transports nommé, un contrat de performance Etat-SNCF Réseau qui suscite l’insatisfaction chez tous les acteurs.  

Les objectifs de développement du transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises sont ambitieux, mais les moyens industriels et financiers ne sont pas réunis pour les atteindre, signe que « la vision de ce contrat est dominée par Bercy », selon Jacques Chauvineau, Président de l’Alliance 4F et d’Objectif OFP. Celui-ci n’est pas à la hauteur des objectifs de la Loi Climat et Résilience. Les moyens pour le ferroviaire restent bien en dessous du niveau requis pour enrayer la dégradation du réseau. Ceux consacrés à la régénération sont très insuffisants. Quant à la modernisation, elle est extrêmement lente et loin de permettre d’atteindre les niveaux européens. Il a été rappelé qu’il manque au moins 1 milliard d’euros par an au gestionnaire d’infrastructures, et que les conditions d’une véritable rénovation des petites lignes ne sont pas au rendez-vous.

Améliorer le service aux usagers pour le doublement de la part modale implique une amélioration de la qualité du service au client. Cela passe par une augmentation du volume de l’offre, du cadencement, une attractivité des prix. Pour parvenir à mieux exploiter le potentiel de nos services et réseaux, il est essentiel d’aller bien au-delà des heures de pointe, et d’assurer un cadencement régulier, une accélération des temps de parcours, un maillage équilibré du territoire. Ce propos a été illustré par nos élus politiques, et s’applique à tous les échelons : Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère, avec la ligne Grenoble-Gap ; Alain Jund, VP Mobilités à l’Eurométropole de Strasbourg, pour le Réseau Express Métropolitain. Le développement du ferroviaire doit s’inscrire dans le projet d’aménagement du territoire et le façonner, en prenant appui sur les outils d’intermodalité, et sur la coopération étroite avec les acteurs locaux. Il est, enfin, nécessaire d’assurer la relocalisation de la gouvernance, tant pour les autorités organisatrices que pour les exploitants.

Plutôt que la construction d’infrastructures nouvelles ayant un trop lourd impact sur la biodiversité, comme le GPSO (qui inclut la Ligne Grande Vitesse Bordeaux-Toulouse), c’est l’optimisation des capacités des infrastructures existantes qui doit s’imposer. Pour Pierre Hurmic, Maire de Bordeaux : « cette ligne aurait un coût financier exorbitant [14 milliards d’euros] mais plus grave, elle aurait un coût écologique trop lourd [destruction de 2 870 ha de forêt ou de zones humides] ». Lorsque l’infrastructure est nécessaire, en revanche, les mesures de compensation des impacts environnementaux doivent être calibrées et contrôlées de façon pertinente. C’est ce qu’a rappelé Ronan Dantec, sénateur de Loire-Atlantique.

Une articulation entre les transports et l’urbanisme est primordiale : la refonte du système ferroviaire doit aller de pair avec le façonnement de nos territoires, et leur densification. 80% de la population française habite à moins de 5 km d’une gare. Le train doit donc être pensé comme un ensemble cohérent, outil de refonte du système ferroviaire et maillon d’intermodalité.

Enfin, le report modal du transport de marchandises de la route vers le rail dans le but d’atteindre le doublement de part modale d’ici à 2030, implique de repenser tout le système. L’enjeu est non seulement écologique, mais aussi sociétal et économique. Il s’agit de mettre en œuvre un nouvel ancrage territorial du fret ferroviaire, avec l’ensemble des acteurs locaux, économiques, associatifs et politiques. Ainsi, Jacques Fernique, sénateur du Bas-Rhin conclut en soulignant que pour le renouveau du fret ferroviaire : « il s’agit de faire du transport combiné, de rassembler des wagons isolés, du fret palettisé, il s’agit d’accompagner les entreprises, les chargeurs, pour que s’opèrent les mutualisations efficaces. Le fret ferroviaire se développera s’il opère son ancrage territorial et multimodal. »

Ce colloque, rassemblant un nombre majeur des acteurs clés du ferroviaire, va permettre de contribuer à la construction d’un nouveau pacte ferroviaire écologique et social, en mettant en exergue les leviers pour parvenir au doublement de la part modale du rail d’ici à 2030, tant pour les voyageurs que pour le fret.

La retranscription intégrale du colloque ici :

Le Programme détaillé du colloque :

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