On peut saluer cette proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France qui constitue un premier pas pour engager une transition énergétique par l’adoption de modes de consommations, de production et de commercialisation, qui privilégient la sobriété, un usage raisonné et plus respectueux de l’environnement.
Après une année de travaux consacrés à la pollution numérique, c’est donc à la quasi-unanimité que le Sénat a adopté, le 12 janvier 2021, cette proposition de loi transpartisane, co-signée par plus de 130 sénateurs de toutes les sensibilités politiques.
C’est un premier pas dans un domaine jusque-là trop peu traité, pourtant à l’origine de 3,7 % des émissions totales de gaz à effet de serre (GES) dans le monde en 2018 et de 4,2 % de la consommation mondiale d’énergie primaire.
Malgré l’Accord de Paris, aucune stratégie transversale n’existe dans le numérique. C’est un angle mort des politiques environnementales.
Ce texte appréhende donc pour la première fois les impacts environnementaux de toute la chaîne de valeur numérique, des terminaux aux centres de données, en passant par les réseaux, et propose des solutions concrètes pour les réduire.
Le texte voté par le Sénat couvre toutes les phases de la vie des équipements numériques et tous les acteurs du numérique et souhaite actionner quatre leviers pour faire converger transitions numérique et écologique :
- faire prendre conscience aux utilisateurs de l’impact environnemental du numérique : la proposition prévoit notamment la mise en place d’une éducation, dès le plus jeune âge, à la sobriété numérique ;
- limiter la production et le renouvellement des terminaux numériques, dont la fabrication est le principal responsable de l’empreinte carbone du numérique en France : la proposition de loi vise notamment à sanctionner l’obsolescence logicielle, à améliorer la lutte contre l’obsolescence programmée et à soutenir les activités de reconditionnement et de réparation par une baisse du taux de TVA à 5,5 % ;
- promouvoir des usages numériques écologiquement vertueux, en rendant notamment obligatoire l’écoconception des sites web et en prévoyant l’instauration d’un référentiel général de l’écoconception ;
- faire émerger une régulation environnementale pour prévenir l’augmentation des consommations et émissions des réseaux et des centres de données.
Nous appelons maintenant le Gouvernement et l’Assemblée nationale à s’emparer de ce texte transpartisan. , à l’heure où les 150 citoyens ont rappelé la nécessité de réguler ce domaine, et ont été force de propositions dans ce domaine. On s’interroge donc d’autant plus sur le fait que l’avantprojet de loi « Climat » ne comporte aucun élément sur le numérique. La proposition de loi pourrait constituer un complément indispensable au projet de loi.
Elle a d’ailleurs été largement confortée dans ses principales orientations par le récent rapport du Haut conseil pour le climat (HCC) sur l’impact environnemental de la 5G. Selon le HCC, la feuille de route gouvernementale pour réduire l’empreinte environnementale du numérique n’apporte pas « pour le moment de garantie que la somme de [ses] mesures se traduise par moins d’émissions ».
Nous regrettons que le secrétaire d’État Cédric O. en charge du dossier, ne se soit pas montré favorable à ce texte : « nous abordons l’examen de cette proposition de loi de manière ouverte, même si elle devra être affinée au cours de la navette parlementaire ».
Afin de lutter contre l’obsolescence programmée et renforcer la durée de vie des terminaux, j’ai proposé dans plusieurs amendements l’expérimentation de plusieurs dispositifs de consigne ou de passeports produits.
Mon intervention:
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes cher(e)s collègues,
Les enjeux liés à l’empreinte environnementale du numérique ont longtemps été minimisés voire ignorés. Alors que jusqu’ici, on était surtout sensibles aux gains de productivité résultant du numérique, on prend à présent conscience de sa contribution en croissance forte au réchauffement climatique, à l’épuisement des ressources abiotiques, à des tensions sur l’eau douce, et à diverses formes d’agressions des écosystèmes.
Ainsi selon tous ces critères, en 2019, l’impact planétaire du numérique représentait 2 à 3 fois l’empreinte environnementale tous secteurs confondus de la France. Et ce n’est pas fini. Entre 2010 et 2025, la taille de l’univers numérique va au moins tripler, ses impacts environnementaux, au moins doubler.
« Au rythme actuel, le numérique sera considéré comme une ressource critique non renouvelable en voie d’épuisement d’ici moins d’une génération », selon l’expert indépendant Frédéric Bordage.
Malgré les objectifs climatiques fixés par l’Accord de Paris, il n’existe à ce jour aucune législation qui permette de contrôler, réguler ou réduire les impacts environnementaux du numérique. C’est un vide juridique criant, un angle mort des politiques environnementales.
Face à ce vide, la mission d’information sénatoriale et cette proposition de loi qui en a découlé sont particulièrement opportunes. Le Groupe Écologiste salue ce texte qui témoigne d’un travail transpartisan, pour le moins riche et ambitieux, au regard du nombre de domaines qu’il vise et de son caractère innovant.
Ce texte est en phase avec des propositions portées par le Conseil National du Numérique et par la Convention Citoyenne pour le Climat, il s’inscrit dans le sillage de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, il converge avec la récente proposition de règlement européen sur la gouvernance des données.
Ce n’est hélas pas le chemin que semble prendre le récent Projet de loi Climat du Gouvernement qui ne comble pas ce manque de régulation environnementale du numérique. Certes le gouvernement vient de sortir une feuille de route, mais sa mise en œuvre concrète n’est pas claire. La présente proposition de loi est donc, je le répète, particulièrement opportune. Il s’agit d’engager une transition du numérique par des modes de production, de commercialisation et de consommation qui privilégient la sobriété, un usage raisonné et plus respectueux de l’environnement.
Ce texte novateur a de nombreux points forts. Il vise particulièrement les producteurs et les fournisseurs, en augmentant leurs obligations en matière de reconditionnement, recyclage, réparation, et conformité. A ce titre, la lutte contre l’obsolescence programmée, l’augmentation de la durée légale de conformité de deux à cinq ans, seraient des avancées majeures, en particulier dans le contexte de déploiement de la 5G qui remet en question la viabilité des équipements numériques actuels.
Il permettrait d’apporter plus de transparence sur les stratégies des entreprises et consacrerait l’éco conditionnalité, ainsi que des engagements pluriannuels contraignants.
Le Groupe Ecologiste propose par ses amendements de renforcer ce texte.
D’abord, il est essentiel que les objectifs visés soient clairs : il s’agit donc d’obtenir l’inscription d’objectifs propres au numérique dans la Stratégie Nationale Bas Carbone. La SNBC doit prévoir un volet spécifique à ce secteur, et définir un budget carbone fixant des objectifs chiffrés de réduction des émissions de Gaz à effet de serre.
Nous proposons aussi l’évaluation de l’impact environnemental de la 5G par l’Observatoire créé par la présente loi : le rapport juste avant Noël du Haut Conseil pour le Climat montre clairement cette nécessité.
Nous mettons également au débat la question du gâchis de consommation d’énergie dans les panneaux publicitaires numériques.
Nous demandons de rétablir l’article 19 tel que rédigé dans sa version initiale, c’est-à-dire, en proposant de mettre fin au lancement automatique des vidéos lors de la consultation de sites internet, sauf dérogation.
Nous regrettions la suppression en commission de l’obligation pour les opérateurs téléphoniques de moduler les forfaits proposant des données internet afin d’encourager une consommation raisonnée via la wifi ou le filaire. Nous proposons donc de renforcer l’article 15 pour enrayer la croissance des consommations réseaux à laquelle nous expose le déploiement de la 5G.
Enfin, pour lutter contre l’obsolescence programmée et renforcer la durée de vie des terminaux, nous proposons de travailler le recyclage, le réemploi et la réutilisation des équipements numériques, voire d’expérimenter dans des territoires volontaires un dispositif de consigne.
Ces propositions sont fidèles à l’esprit du texte, appuient ses dispositions et, vous l’avez compris, ne visent qu’à le consolider et assurer son efficacité.
Car, l’enjeu, aujourd’hui, est d’adopter un usage raisonné du numérique ; de préserver nos ressources pour garantir un avenir viable. Compétitivité, haut débit et couverture numérique, doivent aller de pair avec résilience, sobriété et usage éco responsable. Nous espérons donc que le gouvernement reprendra ce texte transpartisan.