Tribune – « Déstockons Stocamine » : pour la protection de la nappe phréatique d’Alsace

Avec plusieurs élus alsaciens de gauche, nous plaidons une nouvelle fois pour le déstockage des déchets enfouis sur le site de Stocamine à Wittelsheim. Voici notre tribune parue dans Libération.

On l’appelle «la poubelle toxique de l’Alsace» : Stocamine, c’est un site de stockage souterrain où ont été enfouis 42 000 tonnes de déchets très toxiques (amiante, arsenic, résidus d’incinération, chrome, mercure…), à une profondeur de 550 mètres. Ces galeries de stockage ont été creusées au droit d’une ancienne mine de potasse. Ces déchets hautement toxiques menacent, à terme, la nappe phréatique d’Alsace, plus grande réserve en eau potable d’Europe, alimentant huit millions de personnes vivant des deux côtés du Rhin.

En 2002, un incendie souterrain, provoqué par le contact entre des produits dangereux, qui ne devaient pas se trouver là, a marqué le renforcement de la mobilisation locale contre cet enfouissement et le début d’un feuilleton judiciaire entre Etat et défenseurs de l’environnement. Ces derniers demandent, depuis maintenant plus de vingt ans, qu’un déstockage des déchets soit réalisé pour préserver la nappe phréatique. Or, une enquête publique vient de rendre un avis favorable à un enfouissement définitif de ces produits hautement toxiques, malgré 98% de voix contre.

Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu devrait se prononcer prochainement en faveur d’un enfouissement définitif, ainsi qu’il nous l’a confirmé lors d’une récente rencontre. Les Mines de potasse d’Alsace (MDPA) projettent la publication d’un arrêté préfectoral les autorisant à confiner les déchets sous la nappe phréatique en septembre 2023. Nous, élues et élus de gauche en Alsace, faisons front commun pour nous opposer à l’enfouissement définitif des déchets dangereux de Stocamine qui menacent l’avenir de nos enfants et de nos écosystèmes.

Menace sur l’eau potable

Depuis des années, les rapports scientifiques se succèdent. Tout ce que nous pouvons établir scientifiquement avec certitude, c’est que nous ne pouvons pas garantir, en cas d’enfouissement total et définitif de ces déchets hautement toxiques, qu’ils ne contamineront pas dangereusement, un jour, la plus grande réserve d’eau potable d’Europe qui couvre 75% des besoins des Alsaciennes et Alsaciens.

Les «effets cocktails» entre produits ainsi qu’au contact de l’eau constituent des menaces que nous ne pouvons accepter. Une enquête pénale est en cours sur la nature des déchets enfouis. Il serait inconsidéré et dangereux de rendre leur enfouissement définitif avant de bénéficier des conclusions de cette enquête. En outre, une autre investigation réalisée suite à l’incendie de septembre 2002 avait démontré que le lot de déchets contenant du mercure n’avait pas été correctement contrôlé.

Il est également impossible de se satisfaire du caractère intrinsèquement incertain de l’étanchéité des bouchons, ces sarcophages en béton censés empêcher les fuites des produits toxiques. En effet, entre le risque sismique et le risque d’inondation des galeries, rien ne garantit l’absence de fuites à terme. Nous nous opposons donc au confinement des déchets, car lorsque les galeries s’effondreront, les risques encourus seront trop grands.

L’Alsace se trouve sur des failles sismiques, celles du fossé rhénan : en cas de séisme majeur, le cuvelage du puits Joseph, qui est largement corrodé, pourrait rompre en ennoyant les galeries en à peine cinq ans. Et 1 000 m3 d’eau contaminée seraient alors expulsés chaque année du stockage vers la nappe, polluant les terres et l’eau pour des millénaires.

Protéger les générations futures

Les générations futures pourront renforcer leur niveau d’exigence en améliorant la connaissance des effets des substances toxiques sur leurs vies. En cas d’enfouissement définitif, leur choix sur la gestion de ces déchets serait ainsi, à jamais, préempté, toute intervention étant alors rendue impossible, y compris en cas d’accident comme l’incendie souterrain de 2002.

Quand le projet Stocamine a été lancé, il prévoyait l’étanchéité et la réversibilité (mentionnée dans l’arrêté préfectoral d’autorisation) du stockage des déchets. Cette réversibilité était fondamentale : si l’incendie a pu couver onze jours en 2002, c’est bien parce que la réversibilité n’était pas, en réalité, effective. Sur ce dossier, la confiance a été rompue entre l’Etat et le reste des Alsaciennes et Alsaciens : toutes les promesses, notamment sur l’étanchéité des bouchons, ne sauraient être regardées hors du prisme de ce mensonge initial.

C’est pourquoi nous estimons que l’enfouissement définitif des déchets méconnaît le principe, à valeur constitutionnelle, de précaution. Le stockage souterrain de ces déchets est injuste à l’égard des générations futures auprès desquelles nous avons une responsabilité, nous ne pouvons pas faire peser ce risque de pollution sur l’immense réserve d’eau potable qu’est la nappe phréatique rhénane.

Trois entreprises se sont positionnées en réponse à l’invitation de la région Grand-Est pour étudier la faisabilité opérationnelle du déstockage. Nous devons donc nous donner comme objectif de démarrer un déstockage et le plus tôt possible. Les moyens financiers doivent être déployés pour déstocker les déchets sans exposer à un risque trop grand les mineurs, notamment en exploitant les progrès techniques de la robotique. Les coûts financiers d’un éventuel accident seraient sans commune mesure avec les coûts des travaux de déstockage.

Les déchets de Stocamine devront être stockés dans des conditions permettant à tout moment, y compris à long terme, leur réversibilité. Il est nécessaire et urgent de garantir la sécurisation du stockage des 42 000 tonnes de déchets hautement toxiques de Stocamine et la réactivité d’intervention en cas d’accident : c’est ce que les générations futures sont en droit d’attendre de notre part, c’est ce que la raison impose. Déstockons Stocamine.

Signataires

Jeanne Barseghian Maire de Strasbourg (EE-LV) Emmanuel Fernandes Député de la deuxième circonscription du Bas-Rhin (LFI) Jacques Fernique Sénateur du Bas-Rhin (EE-LV) Antoine Homé Maire de Wittenheim, vice-président de Mulhouse Alsace Agglomération, vice-président de l’Association des maires de France (PS) Loïc Minery Vice-président de Mulhouse Alsace agglomération (EE-LV) Sandra Regol Députée de la première circonscription du Bas-Rhin (EE-LV) Marcello Rotolo Conseiller régional, président de la Communauté de communes de la région de Guebwiller, maire de Soultz (PS).

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